Publication de 3 textes majeurs en matière de règlement alternatif des différends

15 décembre 2017

Le 15 décembre 2017 ont été publiés au Journal Officiel de l’OHADA le nouvel Acte Uniforme relatif à l’arbitrage (« AUA ») accompagné du Règlement révisé d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (« CCJA »), ainsi que l’Acte Uniforme relatif à la médiation (« AUM »). Les textes ont été simultanément adoptés les 23 et 24 Novembre 2017 et devaient entrer en vigueur au plus tard le 15 mars 2018.

L’AUA remplace l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage du 11 mars 1999 et constitue le droit commun de l’arbitrage pour les 17 Etats membres de l’OHADA. Il sera applicable à toute procédure entamée après son entrée en vigueur et dont le siège se situe dans l’un des Etats membres de l’espace OHADA. Cette réforme ajoute un septième chapitre à l’acte uniforme consacré à la constitution du tribunal arbitral. L’AUA vise essentiellement à renforcer la transparence, la célérité des recours ainsi que l’efficacité de l’exécution des sentences dans les Etats membres de l’OHADA.

De plus, l’acte ajoute la possibilité de connaître des litiges relatifs aux investissements lorsque le recours à l’arbitrage se fonde sur un traité bilatéral ou multilatéral, ou un code des investissements. Le but de cette nouveauté est manifestement d’encourager le développement des clauses de règlement de litiges CCJA dans les instruments relatifs aux investissements. Dans cette hypothèse, le champ d’application a été élargi tant concernant les parties à l’arbitrage que le fondement de ce dernier. Ainsi, outre les Etats, toute personne morale de droit public peut, dès lors, être partie à l’arbitrage. Concernant le support, sont maintenant visés les arbitrages fondés sur une convention d’arbitrage ou sur un instrument relatif aux investissements (tel qu’un code d’investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements).

Le droit de l’arbitrage révisé revient notamment sur le principe de compétence-compétence en précisant que, si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi ou en l’absence de demande d’arbitrage, alors la juridiction étatique doit se déclarer incompétente sauf en cas de convention d’arbitrage manifestement nulle ou, désormais, manifestement inapplicable. La juridiction étatique disposera d’un délai de 15 jours pour statuer sur sa compétence. Un pourvoi en cassation devant la CCJA reste toujours possible.

Les parties ont la possibilité de prévoir une phase amiable précédant la saisine du tribunal arbitral. L’accord trouvé entre les parties pourra être constaté dans une sentence arbitrale rendue par le tribunal sans que ce dernier n’ait à donner son accord, contrairement à ce qui est prévu dans le règlement de la Chambre de Commerce Internationale (« CCI »). Enfin, les parties peuvent également demander aux arbitres de statuer en amiable compositeur.

La réforme intègre plusieurs principes directeurs du procès. L’égalité de traitement entre les parties est mise en avant ainsi que l’exigence de célérité de la procédure au travers plusieurs dispositions telles que le mandat du tribunal arbitral supplétif de six mois.

La procédure de récusation de l’arbitre est également revue. Le nouvel acte impose un délai de 30 jours à compter de la découverte du fait ayant motivé la récusation pour engager une action contre l’arbitre. Cette action doit se faire devant la juridiction de l’Etat, partie compétente en la matière et un recours contre sa décision est désormais possible devant la CCJA. La juridiction étatique dispose d’un délai de 30 jours pour se prononcer.

Le nouvel Acte donne au tribunal arbitral le pouvoir de prononcer des mesures provisoires ou conservatoires, en cas d’urgence reconnue et motivée par la partie qui demande de telles mesures, à l’exclusion des saisies-conservatoires et des sûretés judiciaires.

Enfin l’efficacité des sentences arbitrales est renforcée puisque dans un premier temps, les parties peuvent convenir de renoncer au recours en annulation de la future sentence à la condition que celle-ci ne soit pas contraire à l’ordre public international. Dans un second temps, à défaut d’une décision de la juridiction étatique sur l’exequatur de la sentence, celle-ci est réputée accordée 15 jours après la saisine du juge. En cas de refus d’exequatur, la CCJA peut recevoir des recours.

Le nouveau Règlement d’arbitrage (le « Règlement ») de la Cour Commune vise à renforcer l’indépendance et la compétitivité des sentences OHADA.

En ce qui concerne la transparence de la procédure, on peut noter en particulier l’obligation pour un membre de la CCJA, ayant la nationalité d’un Etat impliqué directement dans une procédure arbitrale, de se « déporter de la formation » de la CCJA dans l’affaire en cause.

La confidentialité est énoncée en tant que standard dans le règlement d’arbitrage, allant à l’encontre de la pratique de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (« CNUDCI »), notamment dans son règlement sur la transparence, et des règles prévues par le Centre International pour le Règlement des Différends liés aux Investissements (« CIRDI »).

La réforme pose également un principe d’indépendance entre la CCJA, dont le rôle est l’administration de la procédure arbitrale, et le tribunal arbitral, juridiction de jugement.

Considérant la nomination des arbitres par la CCJA, il faut dorénavant prendre en compte, outre les anciens critères, le siège de l’arbitrage ainsi que la disponibilité des arbitres. La procédure de nomination par la CCJA est précisée. Désormais, le Secrétaire Général de la CCJA transmet aux parties une liste identique comportant au moins trois noms, puis les parties renvoient la liste avec les arbitres retenus (dans un délai fixé au préalable par le Secrétaire susmentionné). A défaut de consensus, la CCJA pourra exercer son pouvoir discrétionnaire dans la nomination du ou des arbitres.

Le tribunal arbitral dispose de pouvoirs en matière de preuve renforcés par le Règlement. Il peut dès lors demander des explications aux parties, ainsi que la présentation d’éléments de preuves que le tribunal estimera nécessaires pour régler le litige. Il peut également décider d’entendre des experts, témoins ou toutes autres parties.

Les pouvoirs de la CCJA en matière d’examen préalable des sentences deviennent proches de ceux de la CCI. En effet, comme son homologue, la CCJA peut désormais, inter alia, proposer des modifications de pure forme, attirer l’attention du tribunal sur des demandes qui ne semblent pas avoir été traitées, ou encore sur des mentions obligatoires qui ne figurent pas dans le projet de la sentence.

Pour finir, la sentence doit nécessairement être motivée, signée par le ou les arbitres, notifiée aux parties par le Secrétaire Général de la CCJA et l’exequatur lui est accordée par le Président de la CCJA sous 15 jours (3 jours en cas de mesures provisoires ou conservatoires) à partir du dépôt de la requête y relative.

Enfin, l’AUM constitue le 10ème acte uniforme adopté par l’Organisation. La médiation est une nouveauté pour l’espace OHADA qui n’avait pas encore, à ce jour, adopté de procédure y relative. Cela vient renforcer un objectif de garantie de sécurité juridique aux fins d’attractivité économique du droit OHADA. Il s’agit d’une technique procédurale de résolution des conflits par laquelle des personnes qu’un différend oppose, ou qui souhaitent en prévenir l’arrivée tentent de parvenir à une solution transactionnelle en utilisant les bons offices d’une personne dite « médiateur ». Cette procédure peut être conventionnelle, judiciaire, institutionnelle ou ad hoc, la règle étant qu’elle doit émaner d’un processus volontaire de la part des parties.

Dans une démarche d’harmonisation avec les règles internationales, cet acte s’inspire manifestement de la loi-type de la CNUDCI. Le texte insiste notamment sur les principes consacrés de la procédure de médiation tels que la confidentialité, l’indépendance et l’impartialité du médiateur, reprenant l’obligation de révéler tout élément permettant de douter de l’impartialité ou de l’indépendance. Ainsi, le médiateur ne peut être arbitre ou expert dans le même différend. Au même titre, les dispositions insistent sur le choix du médiateur par un commun accord entre les parties et l’exigence de disponibilité de celui-ci soulignant ainsi la particularité de cette procédure qui doit être caractérisée par sa rapidité. Quant à l’accord éventuellement trouvé par les parties, il doit être écrit, signé et étant obligatoire il est susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée.

Concrètement, cet acte intervient pour consacrer et harmoniser des pratiques internationales, sachant que la médiation n’existait pas dans la majorité des Etats membres de l’OHADA, or l’application directe de l’AUM le rend effectif dans l’ensemble de ces Etats.

L’AUM n’est pas limité à un secteur en particulier, il devrait donc s’appliquer a priori dans le champ matériel du droit de l‘OHADA. Aussi, il s’appliquera à toutes les médiations initiées après l’entrée en vigueur de l’Acte, même si la clause relative a été signée préalablement. De même, l’absence de rattachement territorial permet à l’AUM d’être choisi pour une application à la fois interne et internationale.