La réforme du droit des obligations

15 Février 2016

Longtemps réclamée par les praticiens, la réforme du Code civil, censée moderniser le code napoléonien a enfin été adoptée. L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (l’« Ordonnance »), a en effet été publiée au Journal Officiel le 11 février 2016.

Il était devenu nécessaire de moderniser le droit des contrats, d’en adapter le contenu aux nouvelles réalités économiques et d’en rendre les dispositions plus lisibles et accessibles. L’objectif affiché du gouvernement, lors de l’adoption de l’Ordonnance était de renforcer la sécurité juridique, rendre le droit des contrats plus lisible, pallier certains déséquilibres contractuels et renforcer l’attractivité du droit français, au plan politique, culturel et économique.

Cette réforme majeure modifie de nombreuses dispositions du Code civil, notamment en codifiant des principes jurisprudentiels existants.

Les nouvelles dispositions entreront en vigueur à compter du 1er octobre 2016 et s’appliqueront aux contrats conclus à compter de cette date (à l’exception de quelques dispositions relatives aux nouvelles actions interrogatoires instaurées par l’Ordonnance, et qui sont d’application immédiate).

 

Parmi les principes consacrés, nous noterons notamment :

  • La consécration de l’obligation de bonne foi au stade des négociations

L’Ordonnance consacre le principe de bonne foi au stade des négociations précontractuelles. Cette obligation se traduit notamment dans l’article 1112-1 qui impose à toute partie ayant connaissance d’une information déterminante pour son cocontractant de l’en informer dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. L’information déterminante est celle ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Notons toutefois, que cette obligation d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. Un manquement à cette obligation pourra entraîner la nullité du contrat sur le fondement d’un vice du consentement.

  • La garantie de l’équilibre des prestations réciproques des parties

L’Ordonnance renforce l’idée d’un équilibre des prestations contractuelles. Elle codifie la jurisprudence Chronopost qui répute non écrite toute clause privant de sa substance l’obligation essentielle d’une des parties. En outre, s’agissant des contrats d’adhésion, l’article 1171 répute non écrite toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ce déséquilibre n’est apprécié ni par rapport à l’objet principal du contrat, ni par rapport à l’adéquation du prix à la prestation. Enfin, l’article 1169 dispose que sera réputé nul tout contrat à titre onéreux dans lequel la contrepartie convenue au profit du débiteur est illusoire ou dérisoire au moment de sa formation. L’équilibre des contrats semble être un point cardinal de la réforme et traduit un interventionnisme accru de l’Etat dans les relations contractuelles.

  • La consécration de la théorie de l’imprévision

Parmi les changements les plus significatifs introduits par la réforme figure l’introduction de la notion d’imprévision dans le Code civil (art. 1195). Cette notion, qui déroge au sacro-saint principe de la force obligatoire des contrats, est traditionnellement cantonné à la jurisprudence administrative. Il permet à un cocontractant de demander une renégociation de son contrat en cas de changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du contrat, qui rendrait l’exécution de ses obligations par une partie excessivement onéreuse. Cette notion permettra aux cocontractants de renégocier leurs contrats affectés par des aléas rendant disproportionnément onéreuse leur exécution. La partie affectée pourra demander au juge de résilier ou de réviser le contrat. Cette disposition permettra donc au juge de s’immiscer ponctuellement dans les relations contractuelles des parties. Toutefois, cette faculté pourra être écartée si la partie en difficulté avait accepté d’en assumer le risque.

  • L’Ordonnance consacre les jurisprudences sur l’exception d’inexécution

Le nouvel article 1219 du Code civil consacre l’abondante jurisprudence relative aux exceptions d’inexécution. Il prévoit qu’en cas d’inexécution grave, une partie puisse refuser d’exécuter son obligation, quand bien même cette dernière serait exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne. De même, lorsqu’il est manifeste qu’une partie ne s’exécutera pas, l’autre partie peut lui notifier qu’elle « suspend » l’exécution de sa propre obligation (art. 1220).

  • L’introduction de diverses définitions

Dans un souci de renforcement de la sécurité juridique et implication du droit, l’Ordonnance introduit un certain nombre de définitions, y compris une définition de la notion de violence économique, du contrat de cession de créance et une définition moderne de la notion de force majeure qui y est définie comme tout événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêchant l’exécution de son obligation par le débiteur (art. 1218). Dans le même esprit de simplification et de clarification, une section entière est consacrée aux modes de calcul de la durée des contrats. Les articles 1210 et suivants donnent lieu à une explication claire des règles de droit positif.

  • La disparition des notions de cause et d’objet

Dans un souci de simplification du droit, la cause, notion qui a alimenté d’indénombrables débats disparaît du Code civil. La « cause licite » et « l’objet certain » laissent ainsi place à un « contenu licite et certain ». Les conditions de formation du contrat sont donc limitées à trois conditions : le consentement des parties, leur capacité et un contenu licite et certain du contrat.